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"Chiens Réactifs : L'Impact du Délit de Sale Gueule et du Jugement Injuste"

Photo du rédacteur: Cohérence CanineCohérence Canine

Cet article a pour but d'expliquer à tous l'impact que peut avoir le jugement porté sur une race de chien ou sur un individu, en particulier l'impact que cela peut avoir sur les propriétaires de ces chiens. À aucun moment, cela vise à trouver des excuses ou à dégager la responsabilité des comportements déviants des chiens sur des personnes extérieures à la situation. Il est évident que les propriétaires de ces chiens ont une part de responsabilité. Cependant, on oublie souvent que les réflexions, les attitudes et les gestes ont un impact majeur sur les propriétaires de chiens, et par un effet de vase communicant, cela affecte les chiens. Les situations que je vais évoquer sont des situations que j'ai vécues . Cet article ne vise pas non plus à débattre des méthodes d'éducation ou de porter un jugement sur certaines pratiques, donc ne perdez pas votre temps à me signaler que ces méthodes ont fonctionné sur votre chien.




En février, un nouveau membre de la famille nous rejoint, Mango, un jeune malinois de 2 mois. L'éleveur nous vante le pedigree de son père, une machine à gagner des concours d'utilité. Cependant, la seule chose qui m'intéresse, c'est sa petite bouille, et par manque de connaissance et d'expérience, je ne m'intéresse même pas à ces informations. De plus, l'éleveur, un professionnel, me dit qu'il fera un super chien de famille. Pourquoi ne pas le croire ? C'est son métier, il sait de quoi il parle.


Une fois à la maison, les premières semaines se passent merveilleusement bien. Tu es un chiot plein d'énergie, mais tu apprends très vite. Tu montres une petite tendance craintive lors des premières sorties, mais nous ne relevons même pas ce comportement, car il est plutôt normal que tu ne connaisses pas encore le monde des humains.


À 3 mois, depuis que tu es avec nous, nous t'emmenons partout, et tout le monde te trouve trop mignon, que ce soit dans la famille ou dans la rue. Tout le monde veut te caresser. Mais une petite musique commence à tourner : "Attention à ces chiens-là, il faut les tenir. Il faut être dur avec eux, sinon ils vous bouffent. Surtout, il doit savoir qui est le maître." Ce discours m'étonne, car je n'ai pas entendu ce genre de phrase lors de l'adoption du labrador de mon cousin ou lorsque mon oncle a adopté un chien de chasse. Serais-tu différent de tes congénères ?


À 4 mois, tu as fait une poussée de croissance, tu es vraiment grand pour ton âge. Je continue de t'emmener avec moi partout, mais ceux qui te caressaient il y a quelques jours changent de trottoir à présent. Les propriétaires des chiens avec lesquels tu jouais ne veulent plus de toi aujourd'hui. Qu'ont-ils vu que je ne vois pas chez toi ?


À 5 mois, tu fais peur au voisin, car "ces chiens ont vraiment une sale tête avec leur masque noir", mais toi, tu ne veux que des caresses. C'est à ce moment-là que commencent les premières insultes. "Casse-toi, sale chien", alors que tu t'es simplement approché du grillage pour une caresse. Et lorsque tu pousses un jappement d'excitation, tu as droit à un magnifique "ta gueule", un peu dur pour un chien qui est content de voir le voisin. Après 2 mois à entendre que tu es dur et que tu vas nous bouffer, nous décidons de trouver un club pour pouvoir t'éduquer et faire de toi un super chien.


Tu n'as pas encore 6 mois, et nous allons à ta première séance au club. Nous arrivons et voyons 20 malinois alignés qui ne bougent pas une oreille. Apparemment, ils savent comment se comporter ici, et tu vas apprendre à être un super chien. Cela fait 10 minutes que nous sommes arrivés, tu aboies pour aller voir les copains, et là, le président du club arrive et te met un joli collier en chaîne “C'est tellement beau sur un malinois”. Il reste avec nous, et lorsque tu aboies en voyant un copain, tu reçois ton premier, mais pas le dernier, coup de collier étrangleur. Tu gémis et te couches. Je suis un peu heurté, et le président me dit que c'est ainsi qu'il faut faire avec les loulous comme toi. Pourquoi mettrais-je en doute sa parole ? Il est là pour nous enseigner, et tous les chiens présents ont l'air bien éduqués. De plus, cela fait 4 mois que l'on me répète qu'avec un chien comme toi, il faut être dur et ne pas te laisser faire. Ce jour-là, un autre chiot de ton âge est présent, un berger blanc suisse, mais lui n'a pas de collier étrangleur, "il est trop jeune, ils sont plus dociles que les malinois", d'après ta première éducatrice.


À 7 mois, tous les week-ends, nous sommes au club, tu progresses, mais je sens que tu t'éloignes de moi. D'ailleurs, à la maison, tu ne m'écoutes plus, à moins que je hausse le ton. Nous croisons un groupe de cyclistes, et je me demande encore pourquoi ils ont tous retiré leur pied du cale-pied quand ils t'ont vu, comme s'ils avaient besoin de te donner un coup de pied alors que tu es calme et ne les regardes même pas. La prochaine fois, je ferai attention lorsque nous croiserons des vélos, et je te garderai bien près de moi, comme on me l'enseigne, pour que tu n'importunes personne. D'ailleurs, je vais peut-être le faire lorsque nous croiserons des chiens ou des humains, car tout le monde semble se méfier de toi, à part moi. Résultat, à chaque fois que tu veux dire bonjour à un humain ou un chien, je te corrige, car je ne veux pas que tu importunes les gens qui montrent de la crainte.



À 10 mois, le jour où nous allons au club me provoque une boule au ventre, car je sais ce qui m'attend. Je vais devoir te corriger presque non-stop, car aujourd'hui, tu sembles t'être habitué aux coups de sonnette. D'ailleurs, cela semble simplement te chatouiller, et cela ne stoppe en rien les comportements qui gênent l'éducateur. Tu jappes, je dois te corriger. Tu vas vers un chien, je dois te corriger. Tu ne t'assieds pas pareil. Aujourd'hui, tu n'as vraiment rien écouté, et tu as tellement tiré que j'ai les mains en sang. Personne au club ne sait comment te faire écouter, alors on me propose de te mettre un collier électrique pour "te faire plier”. Mais aujourd'hui, le président nous a présenté son chien, qu'il a entièrement éduqué à la friandise, et à qui il n'a jamais mis de collier étrangleur. Alors, mon cerveau a un sursaut, et je me demande pourquoi je dois être si dur avec toi, alors que lui n'a jamais utilisé ce genre de méthode avec son chien, qui est pourtant de la même race que toi. Ce sera notre dernier jour dans ce club.


Le soir même, tu me fais comprendre que toi et moi ne sommes plus amis, car lorsque je touche ton harnais pour t'attacher, tu te retournes sur moi et tu es prêt à me mordre. Je ne sais pas comment je vais t'aider et comment les choses vont évoluer, mais plus jamais je ne t'infligerai ce genre de traitement.


À 11 mois, tu réagis à tout ce que tu vois : voitures, vélos, humains, chiens, oiseaux, tout y passe. Je vois que tu n'es pas bien, mais je ne sais pas comment t'aider. Lors d'une balade, tu as mordu une randonneuse, et cela m'a détruit. Tout ce que j'ai voulu éviter est arrivé aujourd'hui. Comment en sommes-nous arrivés là ? Tu donnes raison à tous ceux qui t'ont évité depuis tes 4 mois, car tu es devenu exactement ce dont ils avaient peur.


À 18 mois, après avoir consulté plusieurs éducateurs, la situation s'est légèrement améliorée, surtout en ce qui concerne notre relation. Notre lien semble se reconstruire. Tes réactions sont toujours vives, et j'ai parfois l'impression de sortir un lion. Je me prépare comme un dresseur de fauve, mettant des gants, vérifiant que personne n'est à proximité lorsque je te descends du coffre. Depuis plusieurs mois, la plupart de nos balades se font dans les bois ou des endroits très tranquilles pour éviter de te faire réagir.


À 2 ans, j'ai toujours du mal à te faire confiance. J'ai tellement d'histoires à raconter sur tes problèmes de comportement que je ne me souviens même plus de quand tu étais calme. On me dit qu'il faut du temps, alors je t'en accorde, mais rien ne change. Cela fait d'ailleurs des mois que tu ne rencontres plus d'autres chiens, ce qui est dommage, car dès que tu en connais un, tu es adorable. Cependant, ton approche n'est pas la bonne, et tes rencontres avec les chiens commencent toujours par une altercation.


À 3 ans, tu progresses petit à petit, mais cela ne me convient pas. Alors je me forme, je lis, je regarde tout ce que je peux. Je ne peux pas me résoudre à te laisser dans cet état. Je ne le sais pas encore, mais tout ce que nous allons vivre ensemble à partir de ce moment-là va m'emmener à une profonde remise en question.


À 4 ans, j'ai lu des dizaines de livres, suivi plusieurs formations, et regardé des centaines d'heures de vidéos sur les comportements canins, les manières de rééduquer un chien réactif, ou les différentes méthodes d'apprentissage de la marche en laisse et autres exercices d’éducation. Dans quelques jours, je rentre en formation pour devenir éducateur canin, et durant celle-ci, tu vas me montrer à quel point tu n'es rien d'autre qu'un simple chien. Lorsque, à la fin de la formation, je te vois capable de rester sans bouger en gare de Lyon-Perrache, je prends conscience du chemin parcouru et de l'impact que tous ces gestes, ces mots ou ces attitudes ont eu sur moi, m'amenant à croire que tu n'étais pas comme les autres chiens, que tu étais plus dangereux, plus méchant qu'un simple chihuahua, simplement parce que sur ton carnet de santé, il est écrit malinois, staff, rottweiler, berger allemand…

Je repense à ces gens qui t'ont donné un coup de pied parce que tu venais vers eux en courant pour jouer, alors que tu étais un bébé. À ces personnes qui t'ont jugé méchant parce que tu aboyais sur un chien pour jouer, ils n’auraient pas eu ce ressenti si tu étais un labrador. À ces personnes qui pensent que tu n'es pas éduqué parce que tu n'es pas capable de rester calme en terrasse. Mais ces gens ne savent pas de quoi tu es vraiment capable, ils ignorent que si ils se perdaient en forêt, tu serais le premier à les retrouver, et cela sans aucun effort, alors que pour la plupart de tes congénères, il faudrait des années de formation pour atteindre ton niveau. Ils ne savent pas que pour toi, c'est beaucoup plus difficile de contrôler tes émotions dans certaines situations, en partie à cause de ta génétique. Ils ne savent pas les heures que nous avons passées à corriger certains de tes comportements simplement pour améliorer ton quotidien. Ils ne savent pas que grâce à toi et à tout ce que tu m'as appris, je peux aujourd'hui aider des dizaines de chiens et de propriétaires qui vivent la même chose. Et ils ne savent surtout pas à quel point aujourd'hui je peux me moquer de ce qu'ils pensent de toi, car moi, je sais ce que tu vaux et qui tu es.




Les préjugés dictent souvent la manière dont nous interagissons avec les chiens et leurs propriétaires. Des généralisations telles que "Je ne laisse pas mon chien jouer avec un staff, car ils sont méchants", "Les enfants, ne vous approchez pas de ce berger allemand, ils sont agressifs" ou encore "Les rottweilers sont têtus, il faut leur montrer qui est le maître" sont profondément enracinées dans notre société. Ces préjugés impactent énormément les propriétaires de chiens issus de ces races. En croyant ces stéréotypes, la pression sociale se fait sentir. Les propriétaires peuvent ressentir le poids des attentes négatives projetées sur leur animal de compagnie. Ces idées préconçues peuvent influencer la manière dont ils éduquent leurs chiens, alimentant malheureusement une prophétie auto-réalisatrice.


Pourtant, chaque chien est unique, doté de sa personnalité, de ses réactions et de ses comportements. En brisant ces jugements préétablis, en offrant à chaque chien la chance de démontrer sa réelle nature, nous permettons aux propriétaires de nouer des relations basées sur la réalité, loin des stéréotypes nuisibles. Il est primordial de donner à chaque chien la possibilité de révéler sa vraie valeur et de se libérer du fardeau du délit de sale gueule, une étiquette injuste qui entrave leur plein épanouissement.

En remettant en question ces préjugés, nous participons à l'instauration de relations plus authentiques entre les chiens et la société. Cela ouvre la voie à une compréhension plus profonde de chaque chien, offrant ainsi une chance équitable à tous de se montrer tels qu'ils sont réellement.

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1 Comment


Guest
Oct 27, 2024

Tellement vrai merci pour ce texte 🙏

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